un projet hybride de
Justine Bougerol & Silvio Palomo
Terrain vague (n.m.)
Vacuus
D’un point de vue topologique, le terrain vague constitue un trou dans le tissu urbain, et se définit littéralement comme un lieu vide, vacant, non occupé. Espace fondamentalement transitoire existant dans une zone construite, trouée entourée d’habitations, le terrain vague est un lieu intermédiaire se situant spatialement entre d’autres lieux plus durables.
Vagus
Lieu vague, espace flou, le terrain vague apparaît comme un lieu indéfini, indéterminé, une friche ou « zone morte ». C’est un espace abandonné, non utilisé, sans propriétaires clairement identifiable.
Le terrain vague est un lieu provisoire, où les traces du passé se lisent dans les matériaux abandonnés (ferraille, roues cassées, anciennes voies ferrées, herbes folles), et où le devenir potentiel se devine dans l’enceinte de cet es- pace perméable et dynamique. Entre la dé-construction et la reconstruction, le terrain vague se situe dans un entre deux temporel et spatial, faisant de cet espace vide un pôle magnétique qui exerce une forte attraction et fascination.
***
Terrain vague est un projet hybride à mi-chemin entre les arts visuels et les arts performatifs, dans lequel Justine Bougerol et Silvio Palomo composent à quatre mains des aires de jeux imaginaires, contemplatives, évolutives, performatives et collectives, imaginées autour du leitmotiv de l’Espace autre. Il s’agit d’un dispositif d’une dizaine d’installations pensées comme une multitude de modules distincts. Déployées in situ isolément ou par groupe de deux/ trois modules dans divers lieux culturels, ces installations seront autant d’opportunités de sonder et de disséquer les thématiques du terrain vague et de l’espace hétérotopique. À terme, ces modules seront réunis en un seul et même dispositif rassemblant ces multiples aires de jeux dans un même espace pour venir créer une forme finale et complète, un terrain vague à échelle 1.
Nous, Justine Bougerol et Silvio Palomo, souhaitons joindre nos pratiques respectives pour penser à quatre mains un espace autre, celui d’un terrain vague, dont la forme sera à définir au fur et à mesure de la création.
Dans un va-et-vient entre création plastique et représentation théâtrale, nous désirons créer une forme hybride : un espace mettant en jeu des points de vue et des modes de perception inhabituels, un terrain de jeu constitué d’interstices où se rencontrerons les arts visuels et les arts du spectacle, brouillant les frontières entre scène et salle, public et performeurs, personnages et éléments de décor, image et action, visible et invisible. Cet espace d’expérimentation potentiel se situera dans un entre-deux, entre la surface de la réalité et une projection fantasmatique, où le réel et la fiction se chevaucheront pour constituer un espace poreux.
En nous intéressant aux terrains vagues, nous cherchons à découvrir le potentiel poétique de ces « espèces d’espaces » situés en marge des itinéraires habituellement empruntés. Sur une cartographie usuelle, ces trouées apparaissent en blanc comme de véritables espaces vides, indéterminés, inutilisés, inoccupés; il s’agit de non-lieux. Mais, une fois pénétrée par un promeneur, la zone blanche devient dès lors une zone de seuil: le terrain vague se transforme sous son regard en un paysage doté d’une temporalité ralentie, hors du temps. Dans ces lieux hétérotopiques se déploie une dimension fictionnelle et narrative, nous amenant dans un « espace autre », une géographie parallèle, l’espace de l’ailleurs. Le terrain vague se fait alors scène vide d’une imagination vagabondant librement, dotant plus qu’il constitue le dernier refuge de l’aventure et du rêve dans un monde complètement saturé, cartographié et exploré, rendu nécessairement productif et rentable…
Pour re-constituer à notre manière cet espace familier qui héberge l’imaginaire, nous puiserons dans nos pratiques respectives de plasticien et de metteur en scène; il s’agira pour nous de concevoir cette terra incognita à partir d’observations, d’expérimentations plastiques et d’improvisations, de manière in situ.
Justine Bougerol, artiste plasticienne et scénographe, réalise des installations immersives et in situ, à point de vue unique. L’œil du spectateur y découvre des espaces pluriels composés de strates successives pensées comme une fiction. Le regard franchit autant de seuils le détachant de l’Ici et maintenant pour basculer dans un là-bas fantasmé et inatteignable, et dont chacun éprouve une nostalgie spatiale.
Dans les scénographies qu’elle réalise, notamment pour la compagnie Pee- ping Tom, elle y cultive le goût pour le vécu, les situations ordinaires qui décollent de la réalité, pour nous faire basculer dans un monde absurde et poétique.
Silvio Palomo, artiste plasticien et metteur en scène, explore et décortique les comportements du quotidien. Il y prélève des attitudes, des gesticulations, des bavardages, des paroles en sourdine, des moments de vides, d’inactions, d’attentes. C’est à partir de ces observations du réel qu’il effectue un travail de composition plus musical que strictement narratif, dans le but de construire un agencement d’évènements secondaires. Il met en scène des personnages qui se distinguent par leurs imperfections et leurs efforts vains de communication. Son théâtre tente de changer nos perceptions dans une reproduction trafiquée du réel, où la scénographie devient le territoire d’un nouveau microcosme.
Les Halles de Schaerbeek, 4 > 24.10.2019
Centre Wallonie-Bruxelles de Paris, 14 > 23.01.2020
Pour ce nouveau module, Justine Bougerol et Silvio Palomo s’inspirent de la forme de la montagne ou encore de l’île vierge, comme véritables lieux utopiques, que les acteur·trice·s Manon Joannoteguy et Aurélien Dubreuil Lachaud viennent arpenter au cours d’une randonnée ou d’une partie de chasse.
Festival Bonus, Théâtre de Poche, Hédé-Bazouges – 26 > 29.08.2021
Pour ce second module, une montagne en bois semble avoir été construite pour être le refuge de plantes délaissées, des mauvaises herbes et des plantes injustement qualifiées d’invasives. Imitant les principes de permaculture, ce dispositif fait d’échafaudages héberge un véritable biotope de plantes cultivées en étages. Cet écosystème artificiel a été aménagé de manière à reproduire en intérieur un fragment de paysage extrait de son endroit naturel, celui d’un Tiers-paysage, où la diversité biologique se compose d’une végétation souvent peu mise à l’honneur.
On y retrouve les plantes « délaissées » dont parle Gilles Clément dans son manifeste du Tiers-paysage, qu’il définit comme l’ensemble des lieux délaissés par l’homme, dans lesquels la nature reprend ses droits, tels que les bordures de routes, les lisières, les terrains vagues… Les plantes constitutives de ces espaces en friche ont ici été récoltées, pour faire de la montagne un jardin, ou plutôt une forêt.
La Balsamine, Bruxelles – 15 > 25.06.2021
Conception et construction
Justine Bougerol et Silvio Palomo
Performeurs
Aurélien Dubreuil-Lachaud et Manon Joannotégui